CES MEDICAMENTS QUI NOUS TUENT

Publié le par Scaramouche

Les médicaments dans le système de santé Français.

C'est bien la première fois qu'un remaniement ministériel, nous apporte en même temps un avertissement aussi rapide et la prise de mesures préventives, dans le but de prévenir et de protéger les patients, de plusieurs médicaments dangereux. Si Xavier Bertrand n'était pas devenu le nouveau ministre de la santé en novembre 2010, aurions-nous apprit la dangerosité de certains médicaments, comme le Médiator ou l'Isomeride, dont on entend parler en ce moment ?

Par ailleurs, on peut se demander pourquoi Roselyne Bachelot, qui a si bien su monter au créneau l'an dernier, avec la campagne hyper-médiatisée de vaccination de la grippe A, n'a pas eu la même présence d'esprit, pour avertir le public en ce qui concerne le Médiator, qui aurait fait 500 morts en trente ans! (selon l'AFSSAPS, l'Agence Française de sécurité sanitaire des produits de santé). Etant donné que le Ministère de la Santé était au courant depuis 2007! (Si nous avions encore des doutes sur Roselyne Bachelot et bien maintenant nous sommes fixé, nous voyons bien pour qui elle roule).(1)

Alors, comment des médicaments dangereux pour la santé, peuvent se retrouver dans les pharmacies ? Intéressons-nous de plus près au mode de fonctionnement de la commercialisation des médicaments et les rapports étroits qui existent avec les laboratoires pharmaceutiques privés.
 

La procédure de mise sur le marché.

Par les articles L. 5121-8 et les suivants, du code de la Santé Publique, l'autorisation de mise sur le marché (AMM) d'un médicament est prise, pour la France, par le directeur général de "l'Agence Française de sécurité sanitaire des produits de santé" (AFSSAPS), sur proposition de la commission d'AMM de l'agence. C'est également cette instance qui rédige le "résumé des caractéristiques du produit" (RCP) correspondant à l'usage recommandé pour les praticiens.

L'avis de la commission d'AMM est fondé sur l'évaluation du rapport "bénéfice/risque" du produit, c'est-à-dire l'équilibre entre son efficacité, ses effets secondaires et sa qualité. L'AMM n'est donc pas là pour faire une évaluation comparative des médicaments d'une même catégorie thérapeutique. Elle constitue seulement une absence d'obstacle, à une éventuelle interdiction de commercialisation. Chaque année 5% à 10% des demandes d'AMM se soldent par un refus (ce qui est tout de même très peu).

Pour tout nouveau médicament, le laboratoire qui l'a conçu dépose à l'agence, en contrepartie du paiement d'une redevance, un dossier sur les caractéristiques du produit, des propositions d'indication de traitement et les posologies recommandées, accompagné du résultat des essais cliniques qui ont étaient menés.

Le dossier est ensuite évalué par des experts internes de l'agence, qui ont souvent recours à des spécialistes externes (donc privés), puis soumis à la commission d'AMM. Celle-ci comprend vingt-huit membres nommés par le ministre chargé de la santé (essentiellement des médecins hospitalo-universitaires, des pharmaciens et des toxicologues), auxquels s'ajoutent des représentants des académies de médecine et de pharmacie, de "l'Institut national de la santé et de la recherche médicale" (INSERM) et du "Centre national de la recherche scientifique" (CNRS). Ils doivent tous faire la preuve d'une expérience clinique suffisante et ne doivent (normalement), pas se retrouver dans la position d'un éventuel conflit d'intérêt majeur avec l'industrie pharmaceutique.

 

Comment sont recruté les experts ?

Le système Français se caractérise donc par un recours à des experts extérieurs qui interviennent lors de l'instruction des dossiers de l'AFSSAPS et reçoivent le soutien des experts employés par l'agence.

La plupart de ces experts sont recrutés dans le monde hospitalier ou hospitalo-universitaire, mais le recours à leurs compétences gagneraient à être clarifiées, que ce soit vis-à-vis de leur employeur, ou de la transparence qu'on est en droit d'attendre d'une telle collaboration.

Le recours à de tels professionnels s'explique par le rapport qui existe entre leurs compétences respectives et les besoins de l'agence. Mais également par des règles statutaires spécifiques qui facilitent cette collaboration. Ces dernières, ces modalités de recrutement, s'expliquent par le fait que tous les experts, qui deviennent membres de commissions et de groupes de travail participant aux travaux d'expertise de l'AFSSAPS, bénéficient du statut de "collaborateur du service public". En cette qualité, ils disposent de "la protection administrative" de l'agence, en cas de "poursuites civiles et pénales". En cas de fautes ou d'erreurs imputables à un expert, et bien c'est l'agence qui devra supporter la réparation du préjudice. Donc les "experts", ne seront pas poursuivit, en cas d'une autorisation abusive ou d'une mauvaise appréciation d'un médicament. Ils deviennent si l'on peut dire, juridiquement "intouchables". Attitude assez anormale et pour tout dire choquante, lorsque l'on est une agence publique et que l'on s'occupe d'une chose aussi sérieuse, que la mise sur le marché d'un médicament (le lecteur verra de lui-même tous les dérapages possibles, qui peuvent en découler).

Un rapport d'audit mené par les inspections générales soulignait les faiblesses apparues dans le processus de désignation des experts: "La commission de l'AMM peut faire appel à des rapporteurs et des experts choisis sur une liste établie par le directeur général de l'agence. Les modalités de constitution de cette liste sont insuffisamment explicitées. La transparence du processus de sélection est pour le moins insuffisante puisque aucun appel à candidature ou avis sur les besoins de l'expertise n'est publié en amont de la sélection". Le rapport ajoute que "ce constat est valable pour d'autres commissions de l'agence".
En conséquence, "le choix d'un appel massif à l'expertise externe n'est crédible qu'à condition que l'agence mette au point les modalités transparentes de désignation des experts". 

La direction de l'AFSSAPS a pris en considération ces recommandations et a mis en place, pour les commissions renouvelées en 2006 (commission d'AMM, commission des stupéfiants et des psychotropes, commission de la publicité des médicaments, commission de la matériovigilance, commission de la pharmacopée) une procédure de recrutement par appel à candidature avec constitution d'un jury.

Ce jury, composé du président sortant de la commission, du directeur général, d'un membre du conseil scientifique et d'une personnalité qualifiée, examine les candidatures en fonction des titres présentés par les candidats, et également en tenant compte de la nécessité de couvrir l'ensemble des domaines scientifiques susceptibles d'être abordés par les commissions concernées.
Sur la base des délibérations du jury, la direction générale fait des propositions au ministre chargé de la santé en vue de la nomination des membres de chaque commission (donc, ce ne sont que des "propositions", le ministre n'est pas obligé de les suivre. Et si le ministre en fonction est dévoyé par les labos ?).

Le dossier de présentation, qui accompagne l'appel à candidature, fixe le cadre déontologique de l'expertise et précise les compétences recherchées. L'objectif avoué de la direction de l'agence est de renouveler 30% de l'effectif des commissions, selon des modalités plus transparentes que précédemment (comment parler de transparence, lorsque l'on souhaite renouveler seulement 30% des experts ? Et si les 70% restant sont eux, corrompu ?).
 

La partialité des experts et les évidents conflit d'intérêts.

Le modèle Français fait un recours massif à l'expertise externe, afin de pouvoir de recourir aux meilleurs spécialistes de chaque discipline. La collaboration que ces experts peuvent avoir avec des laboratoires pharmaceutiques sont donc connues et sont officiellement considérées comme "un gage supplémentaire de compétence" (alors qu'il y a bien un conflit d'intérêt évident). L'indépendance des experts et la transparence de la procédure de nomination requièrent donc un mode de gestion des éventuels conflits d'intérêts. (Voilà comment marche le système, au lieu de les éviter à tous prix, en ayant recourt à des experts réellement indépendants, qui n'auraient aucune relations avec les laboratoires, et bien ils se contentent de "gérer" les conflits d'intérêts au cas par cas. Dans un soucis de "indépendance des experts" et de "transparence de la procédure de nomination". Est-ce un réel manque de volonté d'agir, ou une certaine "naïveté administrative" délibérée ?).

Les agences sanitaires et les pouvoirs publics cherchent, depuis la création de l'AFSSAPS, à définir des outils pour pouvoir assurer cette gestion.

Dans une lettre publiée sur le site de l'AFSSAPS, le directeur général souligne d'ailleurs que "si la crédibilité de notre expertise repose d'abord sur la compétence des personnes qui y participent et la bonne organisation des phases individuelles et collégiales de l'évaluation, elle s'appuie aussi sur l'image d'impartialité et d'indépendance de l'ensemble du processus. C'est pourquoi nous devons être en mesure d'appliquer pleinement et de façon cohérente les obligations déclaratives en matière de liens d'intérêts, et de gérer en toute transparence les décisions qu'appelle l'analyse des liens pour l'organisation du processus d'évaluation, notamment les délibérations collégiales des commissions et groupes de travail".

 

La difficulté dans la gestion des conflits d'intérêts.

Chose étonnante mais authentique, l'AFSSAPS considère qu'il n'est pas incompatible, pour un expert, d'intervenir pour le compte de l'agence et aussi d'avoir des collaborations régulières pour des recherches, des évaluations ou des conseils avec le secteur privé, c'est-à-dire notamment avec les laboratoires pharmaceutiques.

Mais pour autant, il est indispensable pour l'AFSSAPS, que pour l'accomplissement de leur mission de service public, tout risque de conflits d'intérêts soit évité. Pour ce faire, l'agence privilégie la prévention fondée sur la transparence des liens existant, entre les laboratoires et les experts, et non sur une interdiction générale et définitive, d'avoir recourt à leurs services (donc, l'AFSSAPS a besoin des experts, même si ceux-là même qui doivent donner leur avis pour autoriser la mise sur le marché, travaillent dans le même temps pour les labos. Autrement-dit, "faut faire avec et on peut pas faire autrement". Il s'agit bien-là d'un aveux d'impuissance, de la part des pouvoirs publics). 
 

Les critères d'identification des conflits d'intérêts

Cette démarche a commencée avec l'agence du médicament, puis s'est poursuivie avec l'AFSSAPS. Elle a fait l'objet d'une réflexion interne pour clarifier le traitement des divers types de conflits d'intérêts et pour renforcer la cohérence et la mise en oeuvre de ses principes, tant par les experts que par les secrétariats techniques des divers groupes et commissions.

Inspirées par les règles en vigueur dans les pays anglo-saxons et dans les instances européennes, ces mesures ont pour objet d'aider les experts à respecter leurs obligations.

La réflexion a débouchée par la mise en place d'un système à deux niveaux. Il prévoit, d'une part, la définition de critères d'identification des conflits d'intérêts (classés en conflits majeurs ou mineurs), et d'autre part, l'obligation pour chaque expert de remplir une déclaration publique d'intérêts.

Pour gérer les conflits d'intérêts, un tableau de classification des risques a été établi. Son élaboration doit faciliter l'identification des conflits d'intérêts et harmoniser leur gestion. 
Dans la mesure où la notion de conflits d'intérêts n'est pas définie par la loi (et oui, aussi étonnant que cela puisse paraître. On voit à qui profite ce vide juridique. Juridiquement, les experts qui se trouveraient en "conflit d'intérêt", ne risque rien, étant donné qu'ils ne peuvent être poursuivi).
L'agence a donc entrepris de classer les divers types d'intérêts et d'identifier les situations conflictuelles. Cette classification, qui n'est pas exhaustive par rapport aux diverses situations, repose sur les critères suivants :

- La prise en compte du caractère actuel ou passé des intérêts;

- Le degré d'implication de l'expert au sein de l'entreprise concernée par la procédure (participation au capital d'une entreprise, le salariat ou la participation à un organe décisionnel, prestations régulières, être responsable d'une institution dépendante financièrement d'un laboratoire pharmaceutique);

- Les travaux effectués en relation avec le produit spécifique soumis à évaluation ou l'affaire traitée et nature de ces liens.

Cette classification est mise à la disposition des commissions afin de vérifier l'absence de conflits d'intérêts des membres avec les dossiers inscrits à l'ordre du jour de la réunion ou avant de confier un dossier à un expert. Ce tableau a été diffusé à tous les experts de l'agence et est accessible sur le site Internet de l'agence.
 

La déclaration publique d'intérêt individuel.

Cette exigence de transparence repose sur l'obligation de dépôt, et l'actualisation régulière, d'une "déclaration publique d'intérêts". Il en découle une impossibilité de participer à l'évaluation de dossiers avec lesquels l'expert a un lien direct ou indirect.

La déclaration publique d'intérêts est établie sous la responsabilité des experts. Instituée par décision du directeur de l'agence du médicament dès 1994, la déclaration d'intérêts est une obligation légale depuis la loi du 1 juillet 1998, sur le renforcement de la sécurité sanitaire. Au moment de leur nomination ou de leur entrée en fonctions, les membres des instances scientifiques consultatives de l'AFSSAPS, ainsi que les experts collaborant aux travaux de l'agence, doivent remplir cette déclaration mentionnant les liens, directs ou indirects, existant avec les entreprises du médicament ou les établissements dont les produits entrent dans le champ de compétence de l'agence. Afin de faciliter cette démarche, l'AFSSAPS a élaboré un formulaire-type indiquant les principaux liens à déclarer.

L'actualisation de ces documents est faite à l'initiative des experts concernés qui doivent signaler toute modification de leur situation.

Par ailleurs, un groupe référent sur l'indépendance de l'expertise est chargé de donner un avis sur la qualification du niveau de risque de conflits d'intérêts des experts et sur ses conséquences en termes de participation à une mission d'expertise. Ce groupe est appelé à intervenir en cas de difficulté pour déterminer le niveau de risque de conflits d'intérêts d'un expert intervenant pour le compte de l'agence. Il peut également donner, à la demande du directeur général ou à son initiative, des avis sur des situations particulières, des recommandations et des propositions sur les mesures susceptibles de prévenir des manquements à l'indépendance des experts.
(Voilà pour la pratique, mais dans la réalité, il est bien-sûr toujours possible de faire tout simplement une fausse déclaration. On voit-là toute la faiblesse des mesures, sensées garantirent une certaine "impartialité objective", de la part des experts).

Mais ce n'est pas tout. Une fois la mise sur le marché accordée, des recours insoupçonnés des laboratoires pharmaceutiques, entrent en action.

 

Le rôle de la promotion des médicaments.

La visite médicale auprès des praticiens constitue le premier moyen de promotion des médicaments pour l'industrie pharmaceutique, qui y consacre en moyenne 80% de ses dépenses de marketing (soit près de 8500 euros par médecin). L'objectif de cette démarche est de "diffuser une information sur les produits pour inciter les médecins à les prescrire".

Le code de la santé publique attribue aux visiteurs médicaux un rôle de démarchage et de promotion des produits. Leurs conditions d'exercice ont une réglementation particulièrement stricte en France.

Il existe un diplôme universitaire spécialisé (niveau bac+2), que les laboratoires privilégient le plus souvent lors du recrutement de leurs délégués médicaux. A leur entrée dans l'entreprise, ils suivent une formation dont la durée (d'environ six mois) est variable en fonction du laboratoire. Leurs connaissances scientifiques sont ensuite régulièrement vérifiées par des stages qualifiants et d'un contrôle continu, pratiqué à l'aide d'outils informatiques.

Leur rémunération est constituée d'une part fixe et d'une part variable, cette dernière pouvant représenter jusqu'à un tiers du revenu total, avec une part fixe limitée au niveau du salaire minimum interprofessionnel de croissance (Smic). L'impératif commercial n'a fait qu'augmenter dans la rémunération des visiteurs médicaux depuis une trentaine d'années. Auparavant, les primes de rendement ne constituaient pas plus de 10% du salaire.

On compte environ 24000 délégués médicaux, ce qui place la France dans la moyenne, pour le rapport entre le nombre de visiteurs médicaux et le nombre de praticiens. La majorité (20000 d'entre eux) est rattachée à un laboratoire. Les autres sont des prestataires embauchés pour le lancement d'un produit ou une action de promotion ponctuelle. Cette dernière catégorie tend à diminuer, avec l'intégration fréquente de prestataires dans les équipes de vente. Au sein de chaque laboratoire, ils sont regroupés en réseau, par équipe de huit à douze et encadré par un superviseur, en fonction des produits dont ils sont chargés, et de leur zone géographique de travail. 88% d'entre eux interviennent chez les médecins de ville.
(Contrairement à la France, le Royaume-Uni et l'Allemagne, ont mis en place des systèmes de régulation qui encadrent le pouvoir de prescription du médecin. La visite médicale a alors moins d'influence sur la consommation de médicaments).

En France, la visite médicale influence considérablement les comportements de prescription. On évalue ainsi à 30% l'augmentation du chiffre d'affaires sur un produit dont la promotion ciblée a été assurée auprès des médecins, soit un volume de produit élevé quand on apprend que, selon une récente étude de la CNAM, 90% des consultations donnent lieu à prescription de médicaments.

Il apparaît donc que les visiteurs médicaux, rémunérés au volume des ventes, vantent les avantages des médicaments, sans insister sur les effets secondaires ou les nécessaires précautions d'emploi. A cet égard, la revue "Prescrire" estime que, lors de 74% des visites médicales, les effets indésirables du produit sont passés sous silence et que les contre-indications et interactions médicamenteuses, ne sont évoquées que lorsque le médecin pose la question, c'est-à-dire dans 76% des cas (ces résultats ont étaient obtenus à partir du témoignage d'un réseau de médecins volontaires auprès de la revue).

On remarque également certaines dérives commerciales, qui se traduisent par l'organisation régulière, de séminaires destinés à permettre aux délégués médicaux de déjouer les questions embarrassantes du corps médical (face à ces démarches déloyales, près d'un tiers des médecins refusent de recevoir les délégués médicaux).

 

La charte de la visite médicale: un progrès tout relatif.

La nouvelle charte de la visite médicale, signée entre "Les entreprises du médicament" (LEEM) et le "Comité économique des produits de santé" (CEPS), doit permettre de limiter les abus en matière de recommandations de prescription. Elle fixe, à cet effet, les missions et les obligations déontologiques des délégués médicaux, assure la qualité de l'information délivrée et prévoit des moyens de contrôle du système.

Ainsi les visiteurs médicaux doivent remettre aux médecins, en plus de leurs propres éléments d'information, les documents officiels sur les substances qu'ils commercialisent, l'avis de la commission de la transparence (évaluation du "Service médicale rendu" (SMR) et de "l'Amélioration du service médicale rendu" (ASMR) et fiche technique sur les caractéristiques du produit réalisée par la "Haute autorité de santé" (HAS). Il apparaît toutefois que dans les faits, cette obligation n'est pas toujours respectée, pour ce qui est des fiches techniques (sous le prétexte de "la complexité", de leur contenu).

La charte rassemble également des normes afin de favoriser le bon usage des médicaments :

- La désignation, au sein de chaque laboratoire, d'un pharmacien responsable de la rédaction de l'information scientifique délivrée au médecin par les délégués médicaux;

- L'interdiction de la distribution directe d'échantillons de produits de santé;

- La fixation de nouvelles règles de rémunération des médecins effectuant des prestations pour le compte de l'industrie pharmaceutique (dites "études de phase IV");

- La régulation de la fréquence des visites pour certaines catégories de médicaments, organisée par un avenant à la charte signé en juillet 2005. Il s'agit d'une conséquence de la crise du Vioxx, pour lequel plus de 1000 délégués médicaux avaient été chargés d'informer les médecins. 

Pour s'assurer de la mise en place de ces mesures et de leur efficacité, la HAS avait prévu de créer un observatoire de la visite médicale, afin de vérifier la qualité de l'information émise et de mieux connaître le comportement des médecins vis-à-vis de cette démarche. Cela existait auparavant, avec les missions de "l'Observatoire national des prescriptions et consommations", mais après avoir était mis en sommeil en 2000, il a été supprimé en 2003.

Mais le point faible de la charte, et qu'elle ne vise pas la visite à l'hôpital (12 % des visites), alors qu'il s'agit d'un élément majeur dans l'acquisition d'habitudes de consommation d'un produit. De plus, parallèlement à la "moralisation" de la visite médicale, les laboratoires prennent des mesures et développent de nombreux autres outils de promotion, en utilisant notamment le relais des associations de patients, qui ne font eux, pas l'objet d'un contrôle strict des autorités sanitaires.

Il serait question de développer, aux côtés des visites médicales commerciales, un réseau de correspondants indépendants, qui seraient financé par l'assurance maladie, dont l'information se limiterait aux innovations thérapeutiques. 

 

La presse médicale sous influence et le noyautage des leaders d'opinion

Les laboratoires contrôlent aussi les leaders d'opinion que sont les journaux médicaux. En effet, pour qu'une publication médicale soit rentable, elle doit accepter d'être en partie financée par la publicité. Et bien sur, les annonceurs intéressés par ce type de presse sont essentiellement les laboratoires pharmaceutiques, qui cherchent évidemment à promouvoir leurs produits auprès des professionnels de santé. 

Par ailleurs, les articles parus dans la presse sont le plus souvent écrits par des spécialistes qui ont des liens avec les laboratoires. Ils ont alors tendance à ne pas être objectif et à fonder leur jugement sur des études exclusivement favorables au produit dont ils trouvent un intérêt évident d'encourager la prescription.

Claude Béraud, professeur honoraire à l'Université de Bordeaux, dresse ainsi un panorama particulièrement sévère de la presse médicale Française:

"Le Syndicat national de la presse médicale et des professions de santé regroupait en 1999 soixante-seize éditeurs et 176 revues et journaux. Trois types de publications sont à la disposition des professionnels:

1. La presse médicale quotidienne, diffusée en grande partie gratuitement, est d'une insigne médiocrité sur le plan scientifique. Elle est pourtant la plus lue par les professionnels, en raison de sa gratuité et parce qu'elle défend tous les corporatismes médicaux. Les articles qui ont un objectif thérapeutique sont le plus souvent sans intérêt médical, car il s'agit tantôt de publicités rédactionnelles, tantôt de simples opinions d'auteurs trop sensibles aux arguments de l'industrie pharmaceutique et parfois même rémunérés pour rédiger ces articles. Ces écrits ne sont pas soumis à la critique d'un comité de lecture;

2. Les revues de médecine générale, vendues principalement sur abonnement, n'échappent pas à l'influence des firmes. Leur indépendance n'est pas assurée, car leur équilibre financier dépend du volume de la publicité que leur confient les laboratoires. Leur niveau est variable, mais il tend à s'améliorer. Le contrôle des articles, signés parfois par des universitaires renommés, reste insuffisant;

3. Les revues spécialisées, qui concernent les disciplines classiques (cardiologie, gastroentérologie, etc.), sont habituellement d'un assez bon niveau. Elles sont lues par les spécialistes hospitaliers et une partie des médecins libéraux. Elles apportent une information contrôlée par des comités de lecture parfois sévères."

La revue "Prescrire" constitue une certaine exception. Fondée en 1980, elle a bénéficié pendant une dizaine d'années d'une subvention du ministère de la santé. Depuis douze ans, elle est désormais exclusivement financée par les abonnements et totalement indépendante de l'industrie pharmaceutique. Prescrire compte aujourd'hui près de 30000 abonnés, en majorité des médecins et des pharmaciens, et aussi quelques laboratoires.

Il existe malgré tout une mesure qui devrait protéger la presse médicale, d'éventuels abus. C'est le décret d'application de l'article 26 de la loi du 4 mars 2002 précitée, qui dit que "les membres des professions médicales qui ont des liens avec des entreprises et établissements produisant ou exploitant des produits de santé ou des organismes de conseil intervenant sur ces produits sont tenus de les faire connaître au public lorsqu'ils s'expriment lors d'une manifestation publique ou dans la presse écrite ou audiovisuelle sur de tels produits". De cette façon, les lecteurs doivent normalement être informés des liens d'intérêts de l'auteur et capables de juger de son objectivité. (Mais on en revient toujours au même problème, si les intervenants dans la presse ou les médias, omettent délibérément de dévoiler leurs rapports avec les exploitants de médicaments, cette mesure montre alors rapidement ses limites).

 

Le quasi-monopole du dictionnaire médical Vidal.

Il existe quatre bases d'information qui transposent les recommandations officielles sur les médicaments: la base Vidal, la base Claude Bernard, la base thérapie et celle de l'AFSSAPS. Elles sont notamment utilisées pour l'élaboration des logiciels de prescription.

La source d'information la plus complète et la plus utilisée par les médecins demeure toutefois le Vidal. Qui ne traite pourtant que 50% des produits et se contente de reproduire les "RCP" des produits, émit par la commission d'AMM. (Et il faut savoir que l'inscription au Vidal n'est pas obligatoire et systématique. Elle dépend de la bonne volonté des laboratoires, qui en financent le coût).

Il faudrait donc pouvoir disposer d'une base de données alternative, qui serait fiable et objective, et constituée à partir des décisions de l'AMM. L'idée d'un référentiel indépendant sur le médicament géré par l'AFSSAPS fût annoncé à plusieurs reprises, dans le plan gouvernemental sur le médicament de février 1998 puis dans la loi de financement de la sécurité sociale de 2001.

Le premier projet de l'AMM, achevé en juin 2002, a permis la mise en ligne du "RCP" et de la notice des AMM délivrées à compter du 1er janvier 2002. Un second projet existe pour traiter le stock des 13500 AMM antérieures à cette date. Toutefois, la base de données de l'AFSSAPS est encore trop réduite et son site Internet confidentiel.
A ce sujet, la Cour des comptes regrettait, dans un rapport au Parlement sur la Sécurité Sociale de 2004, que "la consultation des avis ne puisse se faire que par ordre alphabétique du nom de marque et par ordre chronologique, mais pas par DCI, classe, firme ou niveau de SMR et d'ASMR, ce qui limite l'usage de cette base de données...  ...Le résultat demeure donc très décevant: seule une petite partie des avis de l'AMM et de transparence sont accessibles sur le site Internet, lui enlevant une large partie de son intérêt pour les prescripteurs".
Toutefois, depuis 2004, la visibilité des avis sur le site Internet a était grandement amélioré.

 

Verra-t-on un jour, un risque zéro, des médicaments mis sur le marché ?

Donc, la conclusion s'impose d'elle-même. Nous avons bien à faire à un monopole établit des laboratoires pharmaceutiques et des exploitants du médicament. Qui utilisent au mieux les faiblesses du système, pour assurer au maximum la prise de médicaments, donc la vente. On le remarque bien avec le détournement de l'utilisation du Médiator (par sa prescription comme "coupe-faim", pour les femmes voulant faire un régime, alors qu'au départ son usage était reservé aux diabétiques). Et, n'ayant pas de concurrents directs (comment se passer des fabricants de médicaments ?), ils sont bel et bien des acteurs indispensables du système de santé. (Et si l'on réfléchissait à une possible nationalisation des laboratoires pharmaceutiques, présent sur le territoire ? Mais encore faudrait-il pouvoir être certain de l'intégrité morale des membres du gouvernement).

Nous voyons bien les dérives qui se produisent, lorsque la priorité des laboratoires et bien de vendre à tous prix et de "faire du chiffre". Leur rôle premier était de soigner les malades. Il est maintenant devenu purement mercantile, au mépris de la santé et de la vie des patients. Le seul qui peut changer les chose, c'est l'état.

A la suite du rapport de l'IGAS sur le Médiator, mettant en cause aussi bien les laboratoires Servier que les organismes de santé publics (2), on nous promet une prochaine loi et un "assainissement" du système des médicaments. Nous attendons de voir.

 

(1) N'oublions pas qu'en 1999, les ministres Laurent Fabius et Georgina Dufoix, avaient comparu devant la Cour de Justice de la République, à cause de leur silence dans l'affaire du "sang contaminé". Verra-t-on madame Bachelot répondre de son incompétence devant la justice ?

(2) Pour consulter la synthèse du rapport d'enquête de l'IGAS (Inspection générales des affaires sociales) sur le Médiator (de la dynamite!), cliquez sur le lien link et pour voir la liste des 77 médicaments sous surveillance, cliquez sur le lien (descendez jusqu'à la fenêtre de la page Scrib et zoomez avec les icônes en bas pour agrandir) link

Sources:
"Les conditions de mise sur le marché et de suivit des médicaments - Médicaments: restaurer la confiance". 
Rapport d'information n° 382 (2005-2006) des travaux parlementaires du Sénat, de Marie-Thérèse HERMANGE et Anne-Marie PAYET, fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 8 juin 2006;
"Le grand secret de l'industrie pharmaceutique", par le professeur Claude Béraud, Editions La Découverte;
www.sénat.fr;
www.afssaps.fr;
www.santé.gouv.fr;