ATTENTATS DU 11 SEPTEMBRE: LA CONTRE-ENQUÊTE (Partie 55)

Publié le par Scaramouche

Ce que nous apprend le rapport de la Commission sur les agissements des différentes agences gouvernementales envers Al Qaïda et Ben Laden entre 1995 et 2001 (suite).

Le double jeu de la CIA (Suite).

Le rapport de la Commission d'enquête apporte de nombreuses informations (Chapitre 4, "Les ripostes aux premières attaques d'Al Qaïda, link"; chapitre 6, "D'une menace à l'autre", link; chapitre 8, "Le voyant était au rouge", link).

 

L'état-major du Conseil national de sécurité refuse la création d'une unité de traduction en langue Arabe pour le territoire Américain.

"Le personnel du Conseil national de sécurité fit remarquer à Berger que les Etats-Unis n'avaient fait que "grignoter les bords" du réseau de ben Laden et que de nouvelles attaques terroristes n'étaient plus une question de "si" mais de "quand" et "où". Le comité de l'état major se réunit le 10 mars 2000, pour envisager de nouvelles stratégies possibles. Ils finirent par décider que le gouvernement devait prendre trois mesures décisives. D'abord la CIA devait bénéficier de plus de moyens financiers pour accentuer ses efforts dans l'élimination d'Al-Qaïda. Ensuite, des mesures de répressions à l'encontre des organisations terroristes étrangères devaient être prises. Troisièmement il fallait renforcer l'application des lois sur l'immigration et demander à l'INS de renforcer les contrôles à la frontière canadienne en intensifiant la coopération entre Etats-Unis et Canada. L'état-major approuva ces mesures; certaines d'entre elles comme par exemple l'augmentation du nombre de détachements spéciaux pour la lutte inter-terroriste furent encouragées alors que ce ne fût pas le cas pour d'autres, comme la création d'une unité de traduction en arabe et d'autre langues centralisées pour intercepter les renseignements sur le terrain américain." (page 182 version US et pages 218-219 version Française).

Alors que depuis 1996, les renseignements montrent que le réseau Al-Qaïda est un groupe islamiste d'Afghanistan et que Ben Laden est d'originaire Saoudienne, il fallait bien-sûr pouvoir avoir recours à des traducteurs en langue Arabe. Mais établir un service de traduction propre aux Etats-Unis est refusé par l'état-major du Conseil national de sécurité. Cela est évidemment totalement illogique et contribuera fortement à éviter de pouvoir exploiter des informations, pour les différents organismes et services chargés de la sécurité.

 

Quand la CIA ment sur les chiffres, pour obtenir une augmentation de budget.

"Vers la création de nouveaux moyens

Les études sur la suite des opérations avaient désigné la CIA comme l'agence responsable de toute offensive contre Al-Qaïda, et l'état-major, lors de leur réunion du 10 mars, avait accepté de renforcer les moyens mis à la disposition de la CIA à cet effet. Pour le CTC, cela signifiait de mettre "le Plan" à exécution, plan qu'ils avaient déjà proposé six mois auparavant, c'est à dire d'engager et d'entrainer un plus grand nombre d'agents de terrain et de mettre plus de moyens à la disposition des services de sécurité étrangère qui fournissaient les renseignements par le biais d'officiers de liaison...". 

"Au CTC et plus haut dans la hiérarchie, les dirigeants de la CIA estimaient qu'ils manquaient de moyens pour continuer leurs actions antiterroristes, considérant qu'ils avaient utilisé tout l'argent dont ils disposaient pour l'année fiscale en cours, pour faire face à l'alerte de l'an 2000 ; le service en charge de Ben Laden avaient dépensé 140 % de l'argent qui lui était alloué...; ...Tenet voulait augmenter globalement le budget alloué à la CIA et y ajouter une allocation supplémentaire spécifique pour la lutte antiterroriste. Cela représentait pour Clarke, la preuve éclatante que les dirigeants de la CIA ne donnaient pas la priorité au combat mené contre Ben Laden et Al-Qaïda...; ...Ce désaccord eut de profondes implications au niveau de la direction, car Clarke avait trouvé des alliés au Bureau de la gestion et du budget (OMB). C'est eux qui lui avaient fourni les chiffres qu'il utilisa pour affirmer que les dépenses de la CIA pour l'antiterrorisme n'avait pas connu une réelle augmentation par rapport au budget prévu initialement...; ...Le comité des délégués se réunit plus tard dans le mois pour faire le bilan de l'année fiscale et prévoir les priorités du budget 2001 et les compensations pour la CIA et les autres agences. Au bout du compte, Tenet obtint une modeste allocation supplémentaire qui subventionnait l'antiterrorisme sans avoir à reprogrammer entièrement les fonds de base."... (pages 184-185 version US et pages 220-221 version Française).

La cellule Ben Laden aurait donc dépassé son budget et la CIA demande une augmentation de budget pour y remédier. Mais d'après les chiffres fournis par le Bureau de la gestion et du budget, il n'y aurait pas eu d'augmentation significative, par rapport à celui de l'année précédente, donc la CIA ment sur dépenses réelles, concernant ses activités liées à l'antiterrorisme. En clair, cela veut dire que le centre antiterroriste de la CIA en ferait moins que ce qu'elle prétend.

Le rapport soulignera le manque de moyens financiers de la CIA, et la Commission prendra fait et cause pour la CIA comme étant l'une des raisons du manque de stratégie de l'Agence de renseignement:

"Avant le 11 septembre, le directeur central du Renseignement ne disposait d'aucune stratégie de gestion d'une guerre contre le terrorisme islamiste. Un programme de ce type doit cerner les moyens dont la communauté du Renseignement a besoin pour mener ce combat - allant des formations en langues aux systèmes de collecte pour les analystes...; George Tenet et son directeur adjoint aux opérations nous ont déclaré qu'ils avaient bel et bien une stratégie de gestion de la guerre contre le terrorisme: c'était de reconstruire la CIA, qui avait durement souffert des coupes budgétaires pratiquées dans le passé. Il fallait lui rendre les moyens dont elle avait été privée. Contrairement aux dotations de nombreux autres départements de l'Agence, le budget du CTC, lui, n'avait pas été raboté...". (page 358  version US et page 416 version Française).

Malgré que le rapport écrit que l'Agence avait eu de sévères réductions de budget, il précise que celui du Centre antiterroriste de la CIA (CTC), était le seul qui n'avait pas été diminué au cours des années précédentes. Alors, comment se fait-il que le centre antiterroriste de la CIA, aurait manqué de moyens financiers ? (contradiction quand nous nous tient !). On notera au passage que pour Tenet et son adjoint, la seule "stratégie" pour lutter contre le terrorisme, n'est pas de "faire avec les moyens du bord" (comme, soit-dit en passant, se débrouillera pour le faire le FBI), mais de rebâtir l'Agence d'en-temps, en voulant lui rendre les moyens qu'elle avait par le passé. N'est-ce pas une drôle de façon de voir les choses, alors que normalement le but de la CIA et de rassembler des renseignements, pour pouvoir empêcher des attentats contre les Etats-Unis ? On voit bien dans l'histoire, que les responsables de la CIA ne se préoccupent que de leurs propres intérêts.

 

Les autorités Américaines interdisent à l'Alliance du Nord du Commandant Massoud de s'attaquer à Ben Laden.

"Au début du mois de mars 2000, quand le président Clinton reçut les dernières informations sur les opérations secrètes américaines menées contre Ben Laden, il nota dans la marge de la note de service que Les Etats-Unis pouvaient certainement mieux faire. Des militaires gradés nous confièrent qu'ils partageaient son sentiment de frustration. Clarke se servit de commentaire du président pour encourager le CSG à trouver de nouvelles idées, y compris l'aide à l'Alliance du Nord. Déjà en décembre 1999, le chef de l'Alliance du Nord, Ahmed Shah Massoud, avait proposé d'organiser une attaque à la roquette contre le camps d'entrainement Derunta de Ben Laden. Des dirigeants de la CIA avaient craint que le fait de lui donner le feu vert puisse s'interposer contre l'interdit d'assassinat de Ben Laden. En conséquence, on conseilla à Massoud de ne pas prendre une telle décision sans l'autorisation explicite des Etats-Unis. Au printemps 2000, après que la CIA eut envoyé des agents sur le terrain pour voir des possibilités de rapprochement avec le Ouzbeks et l'Alliance du Nord, des discussions furent entamées entre les dirigeants américains et les délégués envoyés par Massoud.

Les Américains accéptèrent d'accorder à Massoud une modeste aide technique pour qu'il puisse travailler sur des priorités américaines, recueillir des renseignements, et agir dans la mesure du possible contre Al-Qaïda. Mais Massoud voulait d'abord que les Etats-Unis deviennent ses alliés dans ses efforts pour renverser la Talibans, mais aussi qu'ils reconnaissent qu'ils combattaient des ennemis communs."... (pages 187-188 version US et page 225 version Française).

Là encore, on peut se demander pourquoi, alors que l'Alliance du Nord était sans doute la force la plus à même de lutter contre les Talibans, les autorités Américaines décident de ne pas collaborer avec eux, pour éliminer Ben Laden. Au lieu de ça, les dirigeants de la CIA préférèrent interdire à Massoud d'agir de son propre chef, pour éventuellement supprimer Ben Laden en attaquant l'endroit où il se trouve, sans l'accord des Etats-Unis. La CIA continu encore de tout faire pour que Ben Laden ne soit pas touché en Afghanistan.

 

L'opération "Espions Afghan": l'utilisation du drône Predator contre Ben Laden.

"A la fin de l'année 1999 ou au début 2000, le directeur des opérations spéciales du Joint Staff, le vice-amiral Scott Fry, ordonna à son officier en chef des informations pour les opérations militaires le général Scott Gration, de trouver de nouvelles stratégies pour obtenir de meilleurs renseignements sur les allées et venu de Ben Laden...; ...une des pistes consistait à se servir d'un petit avion téléguidé sans pilote de l'armée américaine appelé le Prédateur qui pourrait survoler le terrain et envoyer des vidéos...; Au printemps 2000, Clarke demanda à Charles Allen le directeur adjoint pour les renseignements de la CIA, de venir se joindre à eux et travailler avec Fry sur un projet commun à la CIA et au Pentagone, projet surnommé par Clarke "les espions afghans". Après une longue discussion entre la CIA et le Pentagone pour savoir qui allait payer le programme, la Maison Blanche imposa finalement de partager les frais. La CIA accepta de payer les frais de l'opération Prédateur comme un coup d'essai de 60 jours de "mise à l'épreuve du concept".

La Petite Équipe mit au point le projet "espions afghans" à la fin du mois de juin 2000. Dès la mi-juillet, les essais étaient terminés et l'équipement était prêt mais il fallait encore régler ceratins problèmes juridique. Dès le 11 juin, les membres du gouvernement avaient donné leur accord pour déployer l'opération Prédateur"... (page 189 version US et page 227 version Française).

"Le 7 septembre, le Prédateur effectua son premier vol au-dessus de l'Afghanistan. Quand Clarke vit la vidéo prise pendant le vol d'essai, il décrivit ce qu'il avait vu comme "vraiment étonnant" et il ordonna immédiatement l'envoi d'autres avions pour repérer Ben Laden, le prendre pour cible de missiles de croisière ou d'attaques aériennes. Même si on ne trouvait pas Ben Laden, Clarke déclara que les mission Prédateur permettraient peut-être d'identifier d'autre cibles importantes, comme des dirigeants d'Al-Qaïda ou des réserves d'armes chimiques ou biologiques...".

"...Lors du premier vol, un Prédateur releva un détail concernant la sécurité près d'un homme grand vêtu d'une djellaba blanche à l'endroit où se trouve l'ensemble des fermes de Tarnak appartenant à Ben Laden à la sortie de Kandahar. Après une seconde apparition de "l'homme en blanc" aux fermes le 28 septembre, les spécialistes qui analysaient les renseignements conclurent qu'il s'agissait probablement de Ben Laden lui-même." (pages 189-190 version US et page 227-228 version Française).

Pour obtenir plus de renseignements, Clarke est à l'initiative d'une opération conjointe Militaire/CIA, avec le drône Predator pour localiser et repéré les déplacements de Ben Laden. Une fois de plus, la CIA trouve le moyen de réduire les chances de réussite des missions de reconnaissance du Predator, en acceptant de payer sa part du projet, mais tant que celui-ci se limite à une période d'essai de deux mois. Le désir de limiter la durée d'utilisation, réduisant par-là même les chances de localisation et de repérage. Et bien-sûr, sans informations fiables et sûr, la CIA a toujours un prétexte pour ne pas intervenir (ce qu'elle ne s'est pas gênée de faire à plusieurs reprises, comme nous l'avons déjà vu).

 

Les Services de renseignements Américains n'ont aucune preuves que Al-Qaïda soit responsable de l'attentat contre le USS Cole.

Effectivement, ils n'ont que des "présomptions" et pas de preuves, comme le mentionne d'ailleurs le rapport dans le paragraphe "l'enquête sur l'attentat":

"Le jour de l'attaque du USS Cole, on dressa une liste de suspects qui comprenait le Jihad islamique égyptien affilié à Al-Qaïda. Les dirigeants de l'anti-terrorisme américain nous dirent qu'ils avaient tout de suite compris qu'Al-Qaïda était responsable. Mais comme nous l'expliqua le vice-président du DCI john Mac Laughlin, il n'était pas suffisant qu'une attaque ait l'air, le goût ou l'odeur d'une opération menée par Al-Qaïda. Pour établir un dossier sérieux, la CIA n'avait pas seulement besoin de présomptions mais d'un lien solide à un des agents connus opérant pour Al-Qaïda." (page 192 version US et page 230 version Française).

On remarquera que nous avons exactement ce que nous aurons durant la matinée du 11 septembre, avec l'identification des 19 pirates de l'air (dont nous savons que cela était en fait impossible) (2), puis le soir même (désignant Al-Qaïda comme étant les responsables des détournements); et avec l'accusation deux jours plus tard le 13 septembre (disant que Ben Laden était à l'origine des attentats). On notera la capacité qu'ont les agents de la CIA, à savoir "qui a fait le coup", en dressant une liste de suspects le jour-même alors qu'il n'y a encore eu aucune enquête officielle sur le terrain. Au lieu d'une intuition quelconque, il faudrait plutôt y voir régulièrement l'opportunité de pouvoir accuser qui bon leur semble en fonction. Faisant coïncider les évènements du moment avec les objectifs géo-politiques Américains. 
Et pour "présenter un dossier solide", Mac Laughlin (vice-président du DCI, Direction of Central Intelligence), dira qu'il fallait un "lien solide à un des agents connus opérant pour Al-Qaïda". Donc, pour accuser une personne d'avoir réaliser un attentat, pour la Direction du Renseignement, il n'y aurait besoin que d'un simple "lien", ce qui est plutôt léger, pour accuser quelqu'un d'avoir commis ou organisé un acte terroriste (nous aurons la même chose le 11 septembre avec les 19 "pirates de l'air d'Al-Qaïda", pour les désigner dès la matinée comme participants aux détournements).

 

Le président Clinton reconnait n'avoir pas suffisamment de preuves, pour pouvoir accuser publiquement Ben Laden de l'attentat du USS Cole.

"Le président Clinton nous déclara qu'avant de déclencher de nouvelles offensives contre Al-Qaïda, ou de lancer un ultimatum aux Talibans menaçant de frapper s'ils n'expulsaient pas Ben Laden, la CIA, ou le FBI devaient être suffisamment certains de "vouloir se lever en public et dire, nous pensons que c'est bien lui (Ben Laden) qui a fait le coup". Il dit qu'il était très frustré de ne pas obtenir une réponse suffisamment nette pour pouvoir entreprendre quelque chose après l'attentat du Cole. De la même façon, Berger rappela qu'un président, avant d'aller à la guerre doit être capable de dire que ses services de renseignements les plus compétents et tous ceux qui font respecter la loi ont conclu qui était responsable. Il rappela aussi que les agences de renseignements avaient de fortes présomptions mais n'étaient parvenu "à aucune conclusion qu'Al-Qaïda était responsable". 

Nos seules sources sur ce que pensaient les responsables des renseignements à l'époque se résument à quelques notes de services. Peu après l'attentat du Cole, et ceci pour l'ensemble de l'administration Clinton, les analystes arrêtèrent de distribuer des rapports écrits sur les responsables. Le sujet était visiblement sensible et l'ambassadrice du Yémen Bodine ainsi que les analystes de la CIA présumèrent que le gouvernement ne voulait pas que des rapports circulant de service en service ne puisse devenir public, empêchant les actions de police ou mettant le président au pied du mur." (page 193 version US et page 232 version Française).

Après l'attentat, tous les organismes de l'administration Clinton arrêterons de diffuser des documents sur les responsables de l'attentat. Le rapport de la Commission prétend que ce serait pour éviter qu'il y est eu le risque d'empêcher des actions de police. Mais cela voudrait dire aussi que les documents désignant les responsables, ne devaient en fait pas désigner Al-Qaïda. Et bien-sûr, s'il y a d'autres responsables, cela veut dire d'autres pistes, différentes de celle d'Al-Qaïda. La diffusion des documents a été stoppée, justement parce qu'ils désignaient d'autres coupables. Et cela serait entrer en contradiction avec l'accusation de Ben Laden dans les attentats du Cole par le président Bush, après les attentats du 11 septembre. Sans oublier que l'arrêt de la diffusion des informations rendra bien difficile les enquêtes pour découvrir les vrais coupables.

"...la Maison Blanche s'appuyait sur des informations officieuses remises à jour à mesure qu'arrivaient de nouveaux témoignages. Bien que la CIA restât équivoque sur l'attribution de la responsabilité d'Al-Qaïda, elle écrivit à Berger le 7 novembre que les analystes avaient décrit le dossier en ces termes: "Il a des pieds palmés, il vole et il fait coin-coin." Le 10 novembre, des analystes de la CIA informèrent la petite Equipe du gouvernement qu'ils avaient découvert que l'attentat avaient été mené par une cellule de résidents yéménites ayant des liens avec avec un réseau moujahidin international." (page 194 version US et page 232 version Française).

Ce passage dans le rapport existe bien et je n'ai rien inventé (Lien directe vers la page du rapport (dans le premier paragraphe) pour vérifiez par vous-mêmes, link). Cette description correspond à un canard. Et dans le langage familier, ce que l'on appelle vulgairement un "canard" est une nouvelle ou information sujette à caution; ou encore quand une rumeur répandue est tenue pour vrai alors qu'en fait elle est fausse, ou qu'il n'y a aucune preuve qu'elle soit vrai (en général dans la presse). Donc par cette métaphore, dans le note du 7 novembre, les analystes de la CIA répondent au conseiller à la sécurité nationale Berger, que Al-Qaïda serait responsable de l'attentat contre le USS Cole est sans fondement. Et le 10 novembre, il n'y a que la preuve d'un "lien", entre les auteurs de l'attentat et "un réseau moujahidin international", qui n'est même pas nommé (Ce serait comme si à la suite d'un braquage de banque, on accuserait un trafiquant de drogue d'être responsable du hold-up, parce que l'un des braqueurs lui aurait acheté des stupéfiants). En fait, dire que "Al-Qaïda et Ben Laden sont derrière l'attentat", n'est qu'une interprétation subjective, ne reposant que sur de simples présomptions, en voulant absolument y voir une "connexion", présentée comme étant soi-disant une preuve, alors qu'elle ne prouve en rien ce qui est affirmé. D'ailleurs l'interprétation de l'accusation d'Al-Qaïda deviendra légèrement différente par la suite.

"Près d'un mois plus tard, le 21 décembre, la CIA fit une nouvelle présentation à la Petite Equipe de l'état-major, ces derniers résultats de l'équipe de recherches. L'exposé de la CIA disait que d'après leur "jugement préliminaire" le groupe Al-Qaïda de Ben Laden "avait encouragé l'attentat" contre le Cole, s'appuyant en cela sur un solide faisceau de preuves qui mettait en évidence les liens que les principaux acteurs de l'attentat entretenaient avec Al-Qaïda...; ...Selon l'exposé, la CIA n'avait jusque-là par trouvé "de réponse définitive concernant la question cruciale de savoir qui avait tiré les ficelles de l'attentat en dehors du territoire, ni comment."  (page 195 version US et page 233 version Française).

Donc la CIA ne déclare plus que Al-Qaïda serait personnellement l'auteur de l'attentat, mais qu'il l'aurait seulement "encouragé", et qu'il n'y que la preuve de "liens", entre les acteurs de l'attentat et Al-Qaïda. En définitive, l'agence est bien incapable de dire, qui depuis l'extérieur du Yémen, a pu organiser l'attentat et quels ont été les moyens de le mettre en application.

 

Le président Clinton décide de ne pas intervenir militairement, suite à l'attentat contre le USS Cole.    

Et dans les faits, il n'y a toujours aucune opération de captures qui soient lancées par la CIA. Concrètement il ne se passe rien. Et la possibilité de frappes militaires en Afghanistan, seront écartées par le président Clinton. Concernant les intentions de Clinton, parlant du "jugement préliminaire" de la CIA du 21 décembre, il y a ce passage:

"Ceci n'était pas la conclusion dont ils avaient besoin pour déclarer la guerre ou poser un ultimatum aux Talibans les menaçant d'attaquer. Le président Clinton ajouta que les élections prochaines et le changement de pouvoir n'était pas le problème. Il restait encore du temps. Si les services lui avaient donné une réponse claire, il aurait conclu un ultimatum du Conseil national de sécurité de Etats-Unis, et aurait laissé un, deux ou trois jours aux Talibans avant d'intervenir à la fois contre Al-Qaïda et les Talibans. Mais il ne pensait pas que c'était une attitude responsable pour un président de lancer une invasion contre un autre pays en se fiant juste à un "jugement préliminaire...". (page 195 version US et page 234 version Française).

Clinton ne souhaite donc pas s'engager plus que ça contre Al-Qaïda par une intervention militaire en Afghanistan, parce que les services de renseignements n'ont pas de preuves définitives à lui présenter. Le président Bush n'aura pas les mêmes scrupules (mais il est vrai qu'entre-temps, le 11 septembre s'était produit, ce qui changera beaucoup de choses). Mais l'on voit que déjà sous Clinton, l'occupation de l'Afghanistan était déjà à l'ordre du jour et qu'il ne manquait qu'un prétexte.  

"Clarke rappela qu'alors que le Pentagone et le département [d'Etat] avaient des doutes sur les représailles, le problème ne se posa pas vraiment puisque le FBI et la CIA n'aboutirent jamais à une conclusion définitive. Il pensait qu'ils "ne se mouillaient pas". Il dit qu'il ne savait pas pourquoi mais qu'il lui semblait que Tenet et Reno [Janet Reno, ministre de la Justce] pensaient pent-être que la Maison Blanche ne voulait pas vraiment savoir ; en effet, ce qui ressortait des discussions de l'état-major dès novembre, c'est que la Maison Blanche montrait peu d'enthousiasme pour d'éventuelles opérations militaires à l'encontre de l'Afghanistan, au cours des dernières semaines de l'administration Clinton. Il pensait que le président Clinton, Berger et la secrétaire d'Etat Albright se concentraient plutôt sur des efforts de dernière minute pour faire aboutir l'accord de paix entre Palestiniens et Israéliens...". (pages 195-196 version US et page 234 version Française).

Après avoir déclaré dans le rapport de la Commission que le département d'Etat se focalisait essentiellement sur les tension entre l'Inde et le Pakistan, à la fin du mandat Clinton, c'est maintenant les accords de paix au Moyen-Orient qui aurait monopolisé toute leur attention, au détriment d'une possible intervention contre Ben Laden et Al-Qaïda et de s'occuper de la question terroriste. 

"Sur la question des preuves, Tenet nous a fait part de sa surprise en apprenant que la Maison Blanche attendait une conclusion de sa part avant d'intervenir contre Al-Qaïda. Il ne se souvenait pas que Berger ou quiconque lui ait dit qu'ils attendaient que la CIA ou le FBI prononcent les mots magiques ; ni d'avoir eu une discussion avec Berger ou le président sur la possibilité de représailles. Tenet nous dit qu'il croyait que c'était à lui de présenter le dossier. Les membres du gouvernement auraient dû à leur tour décider si le dossier justifiait ou non une intervention militaire." (page 196 version US et page 235 version Française).

Selon le directeur de la CIA, c'était au président de "présenter le dossier" (sous-entendu, d'apporter des preuves valables pour pouvoir intervenir). En fait, si l'on se base sur les dires de Tenet, cela voudrait dire que pour lui, c'était au président de faire le travail de la CIA. Ça aurait été au président de constituer un dossier solide pour qu'il y ait une intervention militaire et aux membres du gouvernement de la décider. C'est une façon bizarre de voir les choses, étant donné que le président voudrait avoir plus de preuves irréfutables et que la CIA est incapable de les lui fournir. Mais surtout, c'est une manière pour la CIA de se couvrir, que de se retrancher derrière le président, et de pouvoir dire qu'elle n'aurait été responsable de rien dans la décision d'une attaque de l'Afghanistan, si cela s'était produit sous Clinton. 

 

Les cibles terroristes sont étendues par un additif au Mémorandum de juillet 1999.

A la suite de l'attentat contre le destroyer USS Cole le 12 octobre 2000 sur les côtes du Yémen, "La CIA obtint des autorisations supplémentaires pour des actions secrètes, ajoutant plusieurs autres individus à la diffusion du Mémorandum de notification de juillet 1999 qui permettait aux Etats-Unis de procéder à des opérations de captures contre les chefs de Ben Laden dans un ensemble de lieux et de circonstance." (page 193 version US et page 231 version Française).

La CIA obtient donc plus de marge de manoeuvre, pour des opérations secrètes, par l'ajout de terroristes sur le Mémorandum de notification de juillet 1999. Mais ce que l'on remarque, c'est que l'on entend plus du tout parler de l'opération de capture de Ben Laden mise au point par la première équipe de la cellule Ben Laden. Et à part les missions de reconnaissance du Predator, concrètement sur le terrain, il ne se passe rien.

Sous le mandat Bush, il sera question d'utiliser le Predator pour tenter de supprimer Ben Laden (nous y reviendrons).

 

(1) Pour plus d'informations, voir "Attentats du 11 septembre: La contre-enquête (Parties 53-54)".

(2) Pour plus d'informations, voir "Attentats du 11 septembre: La contre-enquête (Partie 44)".

(3) Pour plus d'informations, voir "Attentats du 11 septembre: La contre-enquête (Partie 52)".

Sources:
"11 septembre - Rapport de la Commission d'enquête - Rapport final de la Commission nationale sur les attaques terroristes contre les Etats-Unis", (édition Française), Editions des Equateurs;
www.9-11commission.gov;
www.govinfo.library.unt.edu.