ATTENTATS DU 11 SEPTEMBRE: LA CONTRE-ENQUÊTE (Partie 50)
La contribution à la réussite des attentats par différents membres de l'administration Bush ou l'indispensable inaction volontaire, paradoxe de la version officielle.
Comme nous l'avons déjà abordé à plusieurs reprises, ce ne sont pas les éléments qui manquent, pour démontrer que la version officielle est fausse. Mais, au-delà de la réalisation de l'opération concrète des attentats du 11 septembre elle-même, il y a aussi des faits se rapportant à l'appareil d'état Américain sous le mandat Bush, très suspects dans leurs démarches. Et vis-à-vis de ces dernières, le rapport de la Commission n'est pas avare d'informations (Chapitre 6, "D'une menace à l'autre", link; chapitre 8, "Les voyants étaient au rouge", link; chapitre 10, "Etat de guerre", link; et chapitre 11, "Analyse prospective et rétrospective", link).
Les preuves de l'inaction volontaire du gouvernement Bush face au terrorisme, dès son arrivée au pouvoir.
"Bush et ses principaux conseillers avaient tous été informés du terrorisme et de Ben Laden. Au début du mois de septembre 2000, le sous-directeur aux Renseignements généraux John McLaughlin réunit une équipe et l'amena au ranch de Bush à Crawford au Texas pour faire au président un exposé de quatre heures sur les points sensibles."...; "...Bonk affirma à Bush que des Américains allaient mourir dans les quatre prochaines années à cause du terrorisme."...; "...Pendant la longue joute qui eut lieu après le jour des élections, la CIA installa un bureau à Crawford qui transmettait les renseignements à Bush et à ses conseillers les plus proches." (pages 198-199 version US et page 237 version Française).
Donc en septembre 2000, bien avant sa prise de fonction début 2001, le nouveau président est déjà au courant de tout, concernant la menace terroriste.
"Tenet, accompagné de son directeur adjoint du service des opérations James Pavitt briefa le président Bush à la Maison Blanche pendant la passation de pouvoirs. Le président Bush nous dit qu'il avait demandé à Tenet si la CIA pouvait ou non tuer Ben Laden, à qui Tenet avait répondu que tuer Ben Laden serait une bonne chose mais ne ferait pas disparaitre la menace. Le président ajouta que la CIA avait tous les pouvoirs nécessaires." (page 199 version US et page 238 version Française).
Des réunions d'informations ont eu lieu à la Maison Blanche, entre le président et le Directeur de la CIA George Tenet, avant que Bush n'ait encore pris officiellement ses fonctions. Où la question de la possibilité de supprimer Ben Laden a été abordée, et au sujet de laquelle Bush lui-même dira à la Commission que "la CIA avait tous les pouvoirs nécessaires". Il dit bien "tous les pouvoirs" pour intervenir, et non simplement "tous les moyens" (cela pourrait vouloir dire que la CIA n'aurait eu besoin d'aucune autorisation préalable, pour intervenir d'elle-même contre le chef terroriste).
"Au début du mois de janvier, Clarke transmit toutes les informations sur le terrorisme à Rice. Il fit le même exposé au futur vice-président Cheney et au secrétaire d'Etat désigné Powell, décrivant Al Qaïda comme un réseau protéiforme composé de groupuscules djihadistes et comme une organisation terroriste meurtrière. Une phase de cette présentation précisait que ces cellules dormantes existaient dans plus de 40 pays, entre autres les Etats-Unis." (page 199 version US et page 238 version Française).
Donc, la conseillère à la sécurité nationale Condollezza Rice et le vice-président Cheney et le secrétaire d'état Powell sont mis au courant à leur tour, dès janvier 2001.
"Rice avait demandé au professeur d'histoire Zelikow de l'université de Virginie de la conseiller sur la période de transition. Hadley et Zelikow demandèrent à Clarke et à son adjoint Roger Cressey un briefing spécial sur la menace terroriste et le fonctionnement du Groupe de sécurité à l'antiterrorisme et du Conseil gérant les menaces internationales." (page 200 version US et page 239 version Française). (Zelikow fera partie de la Commission d'enquête sur les attentats du 11 septembre).(1)
"Au Conseil national de sécurité pendant la première administration Bush, de nombreux dossiers épineux avaient été abordés au niveau du comité des adjoints. Ces dossiers ne parvenaient à l'état-major que si les adjoints n'avaient pas pu y apporter une solution eux-mêmes. La directive de décision présidentielle de l'administration Clinton avait spécifié que le Groupe de sécurité de l'antiterrorisme de Clarke devait passer par le comité des adjoints, ou, à la discrétion de Berger, faire directement son rapport à l'état-major. Berger avait permis au groupe de Clarke de fonctionner comme un comité d'adjoints parallèle, ayant directement affaire aux membres du comité qui siégeaient dans l'état-major. De fait, Clarke siégeait comme membre de ce comité."
"Rice décida de changer la structure spéciale qui avait été créée pour coordonner la politique antiterroriste, une décision qu'elle considérait comme exceptionnelle pour une nouvelle administration. Elle décida aussi que Clarke conserverait son titre de coordinateur national de l'antiterrorisme, bien que ne faisant plus partie du comité de l'état-major sur les questions dont il s'occupait. La décision de garder Clarke fût "controverser" car il était connu comme quelqu'un "ayant fait de la casse" mais Hadley et Rice voulaient un directeur de crise expérimenté." (page 200 version US et page 239 version Française).
Donc Condoleezza Rice a modifiée dès son arrivée en fonction, le système mis en place par l'ancienne administration sous Clinton, visant à coordonner la lutte contre le terrorisme. Auparavant le groupe de Clarke avait le moyen de faire parvenir des rapports, directement à l'état-major, en cas de nécessité. Mais avec cette restructuration - "exceptionnelle" de l'aveu même de Rice - le groupe devait alors obligatoirement passer par le comité des adjoints (et c'était à eux décider de transmettre ou non). Et dans cette nouvelle structure le coordinateur national de l'antiterrorisme Richard Clarke en est bel et bien exclu, puisque, malgré son poste d'importance, on lui avait retiré son siège comme membre du comité des adjoints et il n'en faisait plus partie. Il y aurait eu le désir d'écarter Clarke, de la prise de décisions et surtout de retenir certaines informations, pour empêcher qu'elles parviennent à l'état-major, que l'on ne s'y serait pas pris autrement.
"Au cours des premiers jours qui suivirent l'installation de Bush au gouvernement, Clarke tenta de se rapprocher de Rice et du nouveau président pour les amener à donner la priorité au terrorisme et à agir à partir du programme qu'il avait imposé pendants les derniers mois de l'administration précédente. Après que Rice ait demandé à tous les cadres du personnel de définir des initiatives ou des rapports souhaitables, Clarke soumit un mémorandum élaboré le 25 janvier 2001. Il y rattacha son plan Delanda de 1998 et son rapport sur la stratégie de décembre 2001. Clarke y écrivait: "Nous avons un besoin urgent... d'un bilan au niveau de l'état-major sur le réseau Al Qaïda."
"Il voulait que le comité d'état-major décide si Al Qaïda constituait "une menace de première importance" ou plus modestement un problème un problème surestimé par des mauvais augures alarmistes." (page 201 version US et page 240 version Française).
"Le conseiller de la sécurité nationale ne répondit pas directement au mémorandum de Clarke. Aucune réunion du comité d'état-major sur la menace Al Qaïda n'eut lieu avant le 4 septembre 2001 (bien que le gouvernement se réunisse fréquemment pour discuter d'autres sujets, comme le processus de paix au Moyen-Orient, la Russie ou le Golfe Persique)." (page 201 version US et page 241 version Française).
Donc, à la suite de sa demande, le conseiller de la sécurité nationale Rice a bien reçu le mémo de Clarke, demandant que le problème Al Qaïda soit abordé par le comité d'état-major (auquel il ne peut plus avoir accès directement, suite aux nouvelles mesures). On ne connait pas la teneur de la réponse que Rice lui fit, en passant par quelqu'un d'autre (vu qu'elle ne lui répondit pas directement). Toujours est-il que la question cruciale soulevée par Clarke ne sera abordé qu'une semaine avant les attentats du 11 septembre, c'est-à-dire plus de six mois plus tard. Alors, sommes-nous en présence d'une simple erreur qui serait dû l'inexpérience ou à l'incompétence de Condoleezza Rice, ou à ce que l'on pourrait comparer à de l'inaction volontaire, délibérément entretenue ? En tous les cas, au début de son mandat l'administration Bush, malgré les alarmes, ne semblait pas tellement pressée de se pencher sur le problème "terroriste". Surtout qu'il y avait eu le 17 octobre 2000, l'attentat contre le destroyer USS Cole, où un groupe s'était rapproché de la coque du navire avec un petit bateau remplit d'explosif, qu'ils firent sauter (cela arracha un morceau de la coque et 17 marins furent tués et 40 autres blessés). Clarke avait aussi abordé cette question.
"Dans sa note du 25 janvier, Clarke avait dit à Rice qu'il était souhaitable que le gouvernement réagisse à l'attentat du Cole...". "...Avant que le vice-président Cheney ne rende visite à la CIA au mois de février, Clarke lui envoya une note, en dehors du système de gestion des documents à la Maison Blanche lui suggérant de demander aux dirigeants de la CIA, "les informations manquantes nécessaires pour que la CIA puisse définitivement prouver la culpabilité d'Al Qaïda" dans l'attentat du Cole."
"En mars 2001; l'exposé à l'attention de Rice faisait toujours allusion au "jugement préliminaire" selon lequel "une mise en cause circonstanciée" pouvait être faite contre Al Qaïda mais notait que la CIA manquait encore "d'informations concluantes sur le commandement et le contrôle extérieurs" de l'attentat." (page 201 version US et page 241 version Française).
Puisque Clarke doit bien comprendre que Rice s'est arrangée pour le mettre "sur la touche" (et doit sans doute n'accorder que peu d'attention à ses mémos), Clarke se permet de ne pas suivre la voie habituelle pour transmettre une demande au vice-président. Il préfère passer au-dessus de Rice pour être sûr que sa demande soit prise en considération (Clarke tente de continuer à bien faire son travail malgré qu'on ne lui facilite pas la tâche). Mais ce que l'on remarque, c'est qu'il n'y a aucune preuve définitive, de l'implication d'Al Qaïda dans l'attentat du USS Cole. Mais selon le rapport, la raison pour laquelle le gouvernement Bush ne souhaitait pas riposter, serait d'une autre nature.
"Le président nous expliqua qu'il craignait qu'une attaque aérienne inopérante ne fasse de la publicité à Ben Laden. Il ajouta qu'on ne l'avait pas mis au courant des avertissements que l'administration Clinton avait adressés aux Talibans. Le président nous dit qu'il était arrivé à la conclusion que les États-Unis devaient utiliser l'armée de terre pour un travail comme celui-là." (page 202 version US et page 241 version Française).
Ici, Bush se cherche des excuses et l'on peut douter que les responsables du renseignement lui aient caché quoi que ce soit, puisque le président avait eu droit bien avant sa prise en fonction, à quatre heures de briefing sur le terrorisme, faisant le point sur la situation, avec la synthèse de tout ce qui avait été fait et de tout ce qui était connu sous l'ère Clinton. Et on voit que déjà, plusieurs mois avant le 11 septembre, la "solution" contre les Talibans - d'utiliser l'armée de terre sur le terrain, donc d'occuper l'Afghanistan - se profilait déjà en février 2001.
"Rice nous a confié qu'il n'y eut jamais de décisions formelles écrites noir sur blanc de ne pas riposter à l'attaque contre le Cole. Des échanges avec le président, entre le président et Tenet, entre elle-même et Tenet, entre elle-même et Powell et Rumsfeld avaient débouché sur l'opinion partagée que de rendre coup pour coup risquerait d'être contre-productif...; ...La nouvelle équipe du Pentagone ne poussait pas à intervenir. Au contraire, Rumsfeld pensait que trop de temps s'était écoulé et que l'affaire du Cole était "périmée". Hadley dit que finalement la vraie riposte de l'administration à l'attentat allait être une stratégie nouvelle, plus agressive vis-à-vis d'Al Qaïda." (page 202 version US et page 242 version Française).
Avec ce passage, la Commission cherche tout simplement à présenter la nouvelle administration Bush comme étant "non intervientioniste". Mais ce qui se passe, c'est que l'on voit bien qu'elle décide de ne rien faire, de ne pas riposter à l'attentat du USS Cole. Le rapport présente bien-sûr cela comme une initiative réfléchie et raisonnable. Mais il n'empêche qu'en restant sourd aux alarmes, en restant totalement inactif, l'administration Bush s'engageait belle et bien de fait, dans une passivité chronique. La seule mesure prise sera une demande au Congrès pour l'augmentation du financement de l'antiterrorisme pour les agences de la sécurité nationale, dont la CIA et le FBI. Tandis que dans le même temps, alors que officiellement ils ne font rien, ils réfléchissaient déjà à une "nouvelle stratégie" contre Al Qaïda. Et comme vous allez le voir, leur désir d'intervention est manifeste.
"Rice et les autres se rappelèrent le président qui disait: "Je suis fatigué de chasser les mouches." Il aurait ajouté: "Je suis fatigué de jouer en défense. Je veux mener le combat jusqu'aux terrorites"."
"Le président Bush nous a expliqué qu'il était pressé d'agir. Il avait apparemment entendu parler des propositions de battre en brèche Al Qaïda mais il craignait que d'attraper les terroristes un par un ou cellule par cellule ne fût une stratégie hasardeuse à long terme. En même temps, il comprenait qu'il fallait du temps pour mettre au point une politique pour que les mesures diplomatiques, financières et militaires puissent s'harmoniser. La seule action concrète viendra d'une "réunion informelle du comité des adjoints le 7 mars, alors que certains des adjoints n'avaient pas encore été nommés définitivement", qui aboutira à la conclusion qu'il fallait créer "une directive présidentielle de la politique de Sécurité nationale (NSPD) sur le terrorisme (page 202 version US et page 242 version Française). Et au sujet de cette préoccupation:
"Mais les principaux conseillers du président considéraient Al Qaïda comme une partie d'un puzzle qui ne pourrait pas être assemblé sans les pièces manquantes de l'Afghanistan et du Pakistan. Rice repoussa la réunion du comité d'état-major sur Al Qaïda jusqu'à ce que les adjoints développent la politique qui les concernait." (page version US et page 243 version Française).
Si il y a inaction, ce n'est pas parce que les Etats-Unis ne pourraient pas intervenir, ce n'est pas qu'ils manqueraient de renseignements. C'est que certains membres de l'administration Bush, liés à la sécurité nationale et aux questions terroristes, veulent mettre au point une vision d'Al Qaïda, qui engloberait forcément l'Asie Centrale et plus précisément l'Afghanistan. Ils cherchent déjà à mettre en forme, ce qui sera présenté au monde entier après les attentats du 11 septembre: Les Talibans et Al Qaïda doivent être mis hors d'état de nuire - Ce régime et cette cellule sont en Afghanistan - et la seule solution étant d'occuper militairement le pays - l'intervention militaire des Etats-Unis est donc légitime.
"Le comité des adjoints au complet aborda le sujet d'Al Qaïda le 30 avril. Les notes d'informations de la CIA décrivaient Al Qaïda comme: "le groupe le plus dangereux auquel nous ayons à faire face" citant "l'efficacité de ses dirigeants, son expérience, ses ressources, sa protection par l'Afghanistan et sa résolution de cibler ses attaques contre les Etats-Unis". L'avertissement disait que "d'autres attentats auront lieu".
"Pendant cette réunion, les adjoints approuvèrent l'aide secrète à l'Ouzbékistan. Pour ce qui est de l'Alliance du nord, ils "se mirent d'accord pour ne prendre aucun engagement pour l'instant." Washington envisagerait d'abord d'apporter de l'aide à d'autre groupes anti-Talibans. Pendant ce temps, l'administration prendrait l'initiative d'un bilan global de la politique américaine au Pakistan," et envisagerait "les possibilités d'un changement de régime". (page 203 version US et page 243 version Française).
Donc la première réunion du comité des adjoints aura lieu seulement le 30 avril (rappelons que le mémo de Clarke parvenu à Rice, date du 25 janvier), au cour de laquelle, à part accorder une aide à l'Ouzbékistan, ils se mirent tous d'accord pour ne prendre aucune décision. Difficile de faire mieux, lorsque l'on préfère ne rien faire. Nous avons bien la preuve que pendant les quatre premiers mois de son mandant, l'administration Bush ne fait rien pour empêcher des attentats ou de mettre hors d'état de nuire des responsables terroristes (alors que la question de supprimer Ben Laden avait été posée par Bush au directeur de la CIA, pendant la passation des pouvoirs en janvier 2001).
Ce ne sera que le 4 septembre 2001, que Bush autorisera une nouvelle directive (NSPD 9), prévoyant un plan d'actions secrètes en liaison avec les forces de Massoud (ce dernier sera tué dans un attentat à la bombe, cinq jours plus tard le 9 septembre).
"Le projet de la directive nationale qui fût mise en circulation en juin 2001, ouvrit le débat sur l'enjeu militaire en insistant sur le rôle que jouait le département de la Défense dans la protection de ses forces à l'étranger. Le projet comportait un paragraphe ordonnant au secrétaire Rumsfeld de "développer des plans d'urgence" pour attaquer les cibles d'Al Qaïda et des Talibans en Afghanistan. Ce nouveau paragraphe ne prévoyait pas spécifiquement d'utiliser les troupes de l'armée de terre, et ne précisait pas non plus en quoi ses conseils différaient du plan existant de Résolution illimitée (page 208 version US et pages 248-249 version Française).
Ce passage dit que: "Le projet de la directive nationale qui fût mise en circulation en juin 2001", contenant donc un paragraphe donnant des ordres au DoD, "ne précisait pas non plus en quoi ses conseils différaient du plan existant de Résolution illimitée". Cela est la preuve qu'un plan existait déjà en juin 2001 et qu'il continuait à être alimenté par de nouvelles mesures. Et qu'est-ce que "Résolution illimité", si ce n'est le plan pour les frappes ciblées et les opérations spéciales contre les positions d'Al Qaïda, qui auront lieu initialement, lors de l'invasion de l'Afghanistan. Donc, une grande partie du plan de l'intervention militaire en Afghanistan par les Etats-Unis était prêt depuis le mois de juin 2001, trois mois avant les attentats.
"Hadley nous dit qu'en mettant ce chapitre en circulation, l'annexe B du projet de la directive, la Maison Blanche signalait au Pentagone qu'il devrait produire de nouveaux plans militaires pour faire face à ce problème. Rice nous dit que l'armée ne voulait pas particulièrement s'occuper de cette mission."
"Avec cette directive en attente d'être signée par le président Bush, le secrétaire Rumsfeld ne donna pas l'ordre à ses subordonnés de préparer des opérations militaires spéciales contre Al Qaïda ou les Talibans avant le 11 septembre." (page 208 version US et pages 249 version Française).
"On aurait pu croire qu'avec un trou à 250 millions de dollars dans la coque d'un destroyer et 17 marins morts, le Pentagone aurait voulu riposter. Au lieu de cela, ils ont souvent parlé du fait "qu'il n'y avait pas de raisons d'attaquer l'Afghanistan." (page 212 version US et page 253 version Française).
Non seulement le secrétaire à la Défense ne prépare par des plans pour préparer des frappes ciblées contre les terroristes en Afghanistan (en cela, il n'obéit pas aux ordres qu'il reçoit de la présidence), mais de plus, qu'il ne donnera des ordres à ses subordonnés dans cette perspective, qu'à partir du 11 septembre. Et de son côté, le président ne signe pas la directive qui permettrait aux militaires et à la CIA d'intervenir de manière préventive en Afghanistan, contre Al Qaïda. Le constat est clair. D'un côté, c'est toujours officiellement l'inaction qui prévaut en terme d'action antiterroristes, et de l'autre, on continu de préparer l'invasion de l'Afghanistan dans les moindres détails (future guerre qui n'était pas du goût des militaires avant le 11 septembre). Et on voit bien que tous, en fait, "ils attendent" le jour fatidique pour tout lancer. Et qu'attendent-ils ? C'est Bush qui nous donne la réponse:
"Le président Bush nous déclara qu'avant le 11 septembre, il n'avait vu aucune opportunité de lancer une opération militaire contre Ben Laden. Des bases possibles dans des pays voisins n'"étaient pas disponibles et même si les forces Américaines étaient envoyées là-bas, il n'était pas sûr qu'elles puissent mettre la main sur Ben Laden".
"Le président Bush nous dit qu'avant le 11 septembre le gouvernement était animé du désir de tuer Ben Laden, non de faire la guerre. En regardant en arrière, il se rendit compte que la directive présidentielle équivalait à une déclaration de guerre à l'Afghanistan. Le problème, expliqua-t-il, aurait été de savoir comment y parvenir s'il n'y avait pas eu d'autres attentats contre l'Amérique. Pour beaucoup de gens, cela aurait été l'exemple suprême de l'unilatéralité." (page 209 version US et page 249 version Française).
Alors il n'y a plus de doutes, c'est bien ça. L'administration Bush, est bien en train d'attendre qu'il se produisent d'autres attentats envers les Etats-Unis, dans le but d'avoir un prétexte - valable aux yeux du public - pour "faire la guerre" et plus précisément occuper l'Afghanistan.
Cette attitude d'inaction, est d'ailleurs décrite par Clarke, au sujet des tergiversations de la CIA, quand il sera question de faire (peut-être) éliminer Ben Laden à l'aide d'un drône type "Predator":
"Pour Clarke, cela faillit faire déborder le vase. Excédé, il demanda à Rice de convoquer Tenet. "Soit Al Qaïda représente une menace digne qu'on se mobilise contre elle, soit elle ne l'est pas". Ecrit Clarke. "Les dirigeants de la CIA doivent se décider sur le sujet et arrêter leurs sautes d'humeur"." (page 212-213 version US et pages 252-253 version Française).
Évidemment, la CIA peut supprimer Ben Laden à tout moment (Al Qaïda étant entièrement instrumentalisé par la CIA, par le biais de l'ISI, les renseignements Pakistanais et ils savaient parfaitement où il se trouvait). Mais ils ne doivent pas l'éliminer, c'est lui qui doit être accusé de la responsabilité des futurs attentats du 11 septembre. On comprend bien que la CIA (comme certains membres de l'administration Bush) sont obligés de concilier deux priorités. Ils leur faut avoir suffisamment de renseignements sur Al Qaïda et Ben Laden, pour pouvoir produire un dossier solide, quand viendra le moment venu de désigner les responsables. Et dans le même temps, il ne faut surtout pas supprimer la menace de la carte - démanteler les réseaux terroristes d'Al Qaïda et supprimer leur chef - puisque sinon, ils ne pourront plus les accuser des attentats du 11 septembre. Ils leur faut "jouer sur les deux tableaux". Voilà pourquoi le gouvernement Bush reste sourd aux alertes. Dans le "plan" qui doit être mis en oeuvre, ils ne peuvent pas faire autrement.
A la suite des attentats, le public et les médias ont cherché des "coupables" (comment les attentats ont-ils pu avoir lieu ?) et il sera généralement présenté comme raisons invoquées: les "défaillances" de la communauté du renseignement. La CIA et le FBI ayant été accusé d'avoir été négligeant dans la production de renseignements sur le terrorisme d'une façon générale et plus précisément sur Al Qaïda et Ben Laden. Mais en fait, lorsque l'on lit le rapport de la Commission, on comprend bien que ce n'est pas le travail des agents de la CIA (ou comme on le verra, encore moins de ceux du FBI) qui serait à blâmer. Et ce n'étaient pas les renseignements qui manquaient, comme le montre le rapport:
"De décembre 1999 au début de janvier 2000, les informations sur le terrorisme ont circulées abondamment. La masse de renseignements émanent du FBI était d'autant plus notable que cette agence n'avait pas l'habitude de divulguer ses informations. Celle des services de renseignements ne l'était pas moins: Les informations sont parvenues à des responsables - des directeurs d'aéroports locaux et d'unités de police locale - qui n'en avait jamais reçu auparavant et qui n'allaient d'ailleurs plus en recevoir par la suite, jusqu'au 11 septembre 2001. Aux États-Unis plus qu'ailleurs, la menace terroriste à fait l'objet de toute l'attention des responsables du pouvoir exécutif et des éminences des deux chambres du Congrès" (page 359 version US et page 417 version Française).
Nous avons la preuve que, non seulement l'affluence d'informations ne manque pas, mais que, entre janvier 2000 et le 11 septembre 2001, les renseignements n'étaient plus transmis à des directeurs d'aéroports locaux et a des unités de police locale. Ensuite, la Commission affirme que la présidence et les responsables de l'administration Bush auraient accordé toute leur attention à la menace terroriste. Ce qui n'est pas la vérité, comme d'autres éléments du rapport le démontrent.
"De 1998 à 2001, une série de très bonnes analyses portant sur des thèmes spécifiques sont diffusées. Il est notamment question de la philosophie politique du Ben Laden, du réseau mondial qu'il commande, des informations obtenues auprès de terroristes capturés en décembre 1999 en Jordanie, du mode opérationnel d'Al Qaïda et de l'évolution des objectifs du mouvement extrêmiste islamiste. de nombreux articles classés secrets pour les briefing du matin ont été rédigés pour les plus hauts responsables du gouvernement. Voici quelques-uns de leurs titres: "Bin Ladin Threatening to Attack US Aircraft [with antiaircraft missiles] (Ben Laden menace d'attaquer l'aviation cvile américaine [avec des missiles anti-aérien]) (juin 1998), Strains Surface Between Taliban and Bin Ladin (Tension entre les Talibans et Ben Laden) (janvier 1999), Terrorist Threat to US Interests in Caucasus (La menace terroriste sur les intérêts américains dans le Caucase) (juin 1999), Bin Ladin to Exploit Looser Security During Holidays (Ben Laden entend exploiter l'afaiblissement de la sécurité pendant les vacances) (décembre 1999), Bin Ladin Evading Sanctions (Ben Laden échappe aux sanctions) (mars 2000), Bin Ladin's Interest in Biological, Radiological Weapons (L'intérêt de Ben Laden pour les armes biologiques et radiologiques) (février 2001), Taliban Holding Firm on Bin Ladin for Now (Les Talibans tiennent Ben Laden) (mars 2001), Terrorist Groups Said Cooperating on US Hostage Plot (Des groupes terroristes auraient coopéré à une prise d'otages américains) (mai 2001), et Bin Ladin Determined to Strike in the US (Ben Laden determiné à frapper sur le territoire américain) (août 2001)."
Mais dans son rapport, la Commission tentera, difficilement il faut bien le dire, de minimiser les responsabilités de l'administration Bush (et même de l'administration Clinton) en faisant suivre ce paragraphe:
"Quelles que soit les faiblesses des analyses de la CIA, le président Bill Clinton, le président Bush et leurs principaux conseillers nous ont dit qu'ils avaient compris le message: Ben Laden consitituait un danger. Mais compte-tenu de la nature de leurs efforts et du rythme auquel ils ont travaillé, nous ne pensons pas qu'ils aient pleinement compris qu'Al Qaïda était capable de tuer un nombre élevé de personnes, ni qu'elle le ferait très rapidement. A un stade qu'il est malaisé de définir, nous estimons que la menace n'était pas encore considérée comme incontestable." (page 342 version US et pages 398-399 version Française).
Pour la Commission, malgré que l'administration Bush dispose de tous les renseignements disponibles ("une série de très bonnes analyses") et que: "le président Bill Clinton, le président Bush et leurs principaux conseillers nous ont dit qu'ils avaient compris le message", ils n'auraient pas "compris qu'Al Qaïda était capable de tuer un nombre élevé de personnes" et la Commission estimera qu'à ce moment: "la menace n'était pas encore considérée comme incontestable".
Mais si il n'y a eu aucune action contre Al Qaïda ou Ben Laden, c'est parce que les responsables prirent la décision de ne pas intervenir. Le rapport le soulignera par la suite: "Dès lors, les experts du gouvernement qui ont vu en Ben laden un danger sans précédent devaient trouver le moyen de rallier un grand nombre de responsables à leurs avis, ou du moins attirer l'attention sur ce fait, et, peut être, de suciter des mesures rapides au sein du gouvernement. La synthèse des services des services de renseignement a souvent joué ce rôle...; ...Mais, comme nous l'avons dit, aucune synthèse n'a été consacrée au terrorisme entre 1997 et le 11 septembre 2001" [énième contradiction au passage] (page 343 version US et pages 400 version Française).
Ce qui a provoqué une inaction quasi-totale face au terrorisme, ce ne serait pas le manque d'informations, ni qu'ils n'auraient pas pris conscience de la menace, mais bien parce que, à l'intérieur même du gourvernement, la nouvelle administration Bush s'était arrangée pour que tous les renseignements doivent obligatoirement passer par le "comité des adjoints", avant de pouvoir être transmis à l'état-major. Effectivement, toutes les informations sensibles atterrissaient chez eux. Et, comme nous l'avons vu, en matière d'actions antiterroristes concrètes sur le sol Américain, ces derniers décident de ne pas intervenir. Au lieu de sécuriser le pays, de lutter contre de futurs attentats terroristes à l'intérieur des frontières de Etats-Unis, ils décident seulement d'une aide à l'Ouzbekistan et d'une étude de la politique Américaine au Pakistan.
Le Mémorandum de la CIA inclu dans le Bulletin Présidentiel Quotidien du 6 août 2001: "Ben Laden déterminé à frapper les Etats-Unis".
"Au cours du printemps et de l'été 2001, le président Bush demande plusieurs fois à ses informateurs si aucune de ces menaces vise les Etats-Unis. Réfléchissant à ces questions, la CIA décide d'écrire un mémorandum résumant sa compréhension du danger...; ...Le résultat est une entrée du Rapport présidentiel quotidien du 6 août intitulée: "Ben Laden déterminé à frapper les Etats-Unis". Il s'agit de la 36e entrée du Bulletin présidentiel quotidien, pour l'année 2001, ayant trait à Ben Laden ou à Al-Qaïda, et c'est la première à être consacrée à la possibilité d'une attaque aux Etats-Unis.
Le président nous a dit que le rapport était historique par nature...; Il ne se rappelait pas avoir discuté du rapport du 6 août avec le ministre de la Justice, ou si Rice l'avait fait. Il a indiqué que, si des conseillers lui avait dit qu'il y avait une cellule aux Etats-Unis, ils auraient agi pour qu'on s'en occupe. Cela ne s'est jamais produit." (page 260 version US et page 306 version Française).
Lien vers le Mémorandum dans le rapport de la Commission, link.
"Nous n'avons trouvé aucune indication de nouvelles discussions, avant le 11 septembre, entre le président, et ses conseillers les plus hauts, d'une éventuelle menace d'attentat d'Al-Qaïda aux Etats-Unis. Le DCI Tenet a rendu visite au président Bush à Crawford (Texas) le 17 août, et a contribué aux PDB adressés au président entre le 31 août (après son retour à Washington) et le 10 septembre. Mais Tenet ne se rappelle aucune discussion avec le président ayant trait à la menace sur le sol américain durant cette période." (page 262 version US et page 307 version Française).
Cette "entrée" dans le Bulletin présidentiel quotidien, dont le président Bush a eu connaissance le 6 août 2001, un mois avant les attentats, sera très embarrassant pour l'administration après le 11 septembre, quand il sera déclassifié. puisque bien-sûr, les hauts responsables et surtout le président ne pouvaient plus dire, qu'ils n'étaient pas au courant que les Etats-Unis pouvait être visées par des attentats. et l'on peut voir que, d'après les dires du rapports lui-même, alors que le directeur de la CIA rencontrera le président à plusieurs reprises, entre le 6 août et le 10 septembre, il n'y aura "aucune discussion", "ayant trait à la menace sur le sol américain durant cette période". Nous sommes encore une fois en présence de l'inaction des hauts responsables de l'administration.
Surtout que ce bulletin présidentiel quotidien ne sera pas le seul concernant Ben Laden, comme le dit le rapport:
"Le volume de renseignements est tel que seule une fraction restreinte peut être choisie pour l'information du président et des hauts fonctionnaires. Au cours de l'année 2001, le directeur central du Renseignement (DCI), George Tenet, a été tenu régulièrement informé des menaces et des autres informations opérationnelles relative à Oussama Ben Laden. George Ternet s'est à son tour entretenu tous les jours avec le président Bush, qui a été tenu informé par la CIA, par le biais des Bulletins présidentiels quotidiens connu sous les initiales PDB. Chaque PDB consiste en une série de six à huit articles ou rapports relativement courts couvrant une large palette de sujets; le personnel de la CIA décide des sujets considérés comme les plus importants pour un jour donné. Entre le 20 janvier et le 10 septembre 2001, il y a eu plus de 40 articles des services secrets relatifs à Ben Laden dans les PDB." (page 254 version US et page 299 version Française).
Et que, au contraire de ce que prétendra Tenet, ce passage dit bien que le directeur de la CIA "...s'est entretenu tous les jours avec le président Bush, qui a été tenu informé par la CIA, par le biais des Bulletins présidentiels quotidiens...".
"Septembre 2001
Le comité de l'état major se réunit pour discuter d'Al Qaïda pour la première fois le 4 septembre. Le jour de la réunion, Clarke envoya à Rice un message personnel enflammé."...;
"La "vrai question" à se poser, disait-il, était "voulons-nous sérieusement nous attaquer à Al Qaïda ?... Est-ce qu'Al Qaïda est si important ?... Ceux qui prennent les décisions dans ce pays devraient s'imaginer dans le futur quand le CSG n'aura pas réussi à arrêter les attentats d'Al Qaïda et que des centaine d'Américains seront allongés, morts dans plusieurs pays, dont les Etats-Unis", écrivait Clarke. "Que regretteraient-ils de n'avoir pas fait plus tôt ? Ce jour pourrait arriver à tout moment."...;
"Se tournant vers la CIA, Clarke indiqua que sa bureaucratie, "magistrale dans son attitude passive-agressive" allait s'opposer au financement de la directive présidentielle pour la sécurité nationale et ne laisserait "qu'une coquille pleine de mots mais vide d'action"." (page 213 version US et pages 253-254 version Française)
Ce n'est pas la communauté du renseignement qui aurait mal fait son travail (raison officielle couramment répendue). Dans cette histoire, ce sont bien les hauts responsables: (Bush, Cheney, Rumsfeld, Rice, ceux qui étaient en poste au "Comité des adjoints" et les responsbles de la CIA qui joue en fait un double jeu) qui se sont conduit avec une passivité volontaire inouï. Passivité qui est parfaitement compréhenssible, quand on comprend qu'ils attendent des attentats futurs. En fait vous l'aurez compris, ils attendent le 11 septembre (qu'ils ont eux-même planifié). Et comme nous le verrons, certains prennent même les devants, comme le nouveau ministre de la Justice (2).
(1) Voir pour plus d'informations, "Attenats du 11 septembre: La contre-enquête (Partie 1).
(2) Voir pour plus d'informations, "Attenats du 11 septembre: La contre-enquête (Partie 51).
Souces:
"11 septembre - Rapport de la Commission d'enquête - Rapport final de la Commission nationale sur les attaques terroristes contre les Etats-Unis", (édition Française), Editions des Equateurs;
"La face cachée du 11 septembre", par Eric Laurent, Editions Press Pocket;
www.9-11commission.gov;
www.govinfo.library.unt.edu.